Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
A tire-d'aile

Blog littéraire

Histoire d'une autobiographie

Extrait de mon autobiographie, Dix mètres plus bas Entre nuages et bitume

Si tu veux lire la suite, pose un commentaire

27 avril-

          Je sors de réanimation avec une transfusion de deux poches de sang. On est venu me mesurer par tous les bouts pour un corset que je porterai en tout et pour tout trois mois. J’ai une fracture de la lombaire L2. On m’explique que je ne peux me mettre assise. J’ai l’autorisation d’un angle seulement de 30 degrés entre la position de ma tête et de mes deux jambes. Je me vois à peine. Mes jambes me paraissent lourdes. J’ai deux plâtres aux deux pieds allant jusqu’en haut pour la jambe gauche et jusqu’au genou maintenu par une attelle de Zimmer pour la jambe droite. J’ai eu des fractures multiples et des luxations aux deux pieds, une fracture ouverte de la rotule à gauche et à droite. Pas de jaloux ! Celle de droite s’accompagnera d’une fracture du fémur. Je ne vois pas mon visage mais il me sera décrit. Je ressemble à Frankenstein ! Je suis couverte de points de suture : à l’arcade, au nez, aux lèvres et au menton. Mon nez fut refait sur la partie droite. Mes dents tiennent à l’aide d’un appareillage. J’ai eu un décollement de la mâchoire et des gencives, je suis recousue à l’intérieur et à l’extérieur de la bouche de bas en haut. Le côté droit de mon visage a été restructuré. Quand je me suis vue pour la première fois, je ne me suis pas reconnue. Encore aujourd’hui, certains proches me disent que je n’ai pas le même visage malgré le travail extraordinaire effectué.

            Je suis POLYTRAUMATISEE avec une amnésie rétrograde.

            Je suis une rescapée d’une tentative de suicide.

            Ce 24 avril, à 10h30, j’ai franchi un pas de trop. Je me suis défenestrée d’une hauteur de dix mètres sous les yeux de quatre personnes dont trois étaient présentes pour ce déménagement qui a causé ma perte.

 

Service Traumatologie-Orthopédie

            J’y serai 40 jours. Après une opération de sept heures le 24 avril à 17h30 environ, je vivrai une seconde opération le 17 mai pour m’enlever un fragment osseux logé dans le talon droit. Les multiples broches me seront également enlevées à la suite d’une double anesthésie imprévue aux deux jambes. La chirurgienne se rendra compte que je récupère du côté gauche et décidera de raccourcir le plâtre. Un corset m’a été fait sur mesure. Je peux enfin m’asseoir. Je passerai à la nourriture mixée quinze jours avant mon départ de ce service pour un centre de rééducation.

L’instant présent était un miracle. Toute petite victoire m’était importante. Réapprendre. Réapprendre à vivre, à boire et manger, à m’estimer, à me transférer sur un fauteuil, à conduire un fauteuil, à remarcher, à fléchir mon genou droit mais aussi à structurer ma vie sociale et personnelle. Des doutes, des craintes, un trop plein d’émotions et je me déstabilise. J’obtiendrai un suivi correct et strict pour la nourriture ainsi que pour la rééducation physique et mentale.

 

            Qui suis-je en réalité ? Une paumée ? Une droguée ? Oui, aux médicaments. Cette drogue légale qui donne un sommeil irréel et une apesanteur sans nom. On me dit souffrante d’un trouble de type Borderline. Comment peut-on expliquer que mon cerveau se soit déconnecté ? Comment cela se fait-il que je n’aie eu aucunes pensées au moment des faits, ni même pour ma fille de quatre ans ? Elle me posera vite des questions se rendant compte que quelque chose ne tourne pas rond. Oui, elle a raison, une chose ne tourne pas rond. Maman tourne en carré dans ses problèmes. Je me rends compte que je vivais dans mon passé, que je passais mon temps à me plaindre. Mes relations étaient toxiques. Je me confondais dans l’irréel sans même ne penser à mon bien-être. Je me suis oubliée. Peu à peu, je disparaissais. Je me perdais dans mon sentiment d’abandon. Je vivais dans cette autodestruction depuis bien trop longtemps. Il me fallait un déclic. Ma défenestration le fut.

Allongée sur le dos,  immobile durant quarante jours, je me recentre sur moi et ma famille. Ma personnalité sera toujours présente. J’allais pourtant évoluer. Ils ne le verraient pas.

 

24 avril-

Il est 10h30 du matin. Mes souvenirs sont flous. Une dispute éclata. Je me suis avancée vers l’ascenseur. C’était le jour de notre déménagement et de notre séparation officielle. Un soulagement inespéré que de devoir s’échapper. Des mots me tranchent l’esprit, me nouent la gorge. Je me dirige vers la porte d’entrée et il me semble m’entendre dire « Si je saute par la fenêtre, je disparaitrais ». Ces mots-là ne sont pas retranscrits dans leur exactitude. Ces mots sont pourtant d’une réelle violence.

Depuis cette porte d’entrée, l’idée de prendre l’air m’envahit. J’ai avancé d’un pas décidé sans me rendre compte de ce que je faisais, telle une somnambule. Je ne courais pas. J’aurai ouvert cette porte fenêtre. Et calmement, j’aurai enjambé ce balcon d’une traite. Personne n’a pu réagir ou m’en empêcher. Il était trop tard. Une personne a essayé de me rattraper dans le salon, ayant pris ma phrase au sérieux. Sans succès. Tout cela n’est qu’un discours rapporté et bien rôdé. Ce n’est pourtant pas une fiction. Mon esprit était en plein vide sidéral. RIEN. Le néant. Mon cerveau s’est déconnecté le temps d’un instant brutal. Je ne me vois pas faire cette chute. Je ne me vois pas le décider. Je ne me vois même pas souffrir en bas. Je ne me souviens pas avoir éprouvé de la douleur. Mon esprit était sur Off.

Je maintiendrai à tous que je ne voulais pas me suicider. J’étais en colère. Je voulais prendre l’air. On m’a pourtant retrouvée, dix mètres plus bas, gisant sur le bitume. J’étais apparemment consciente. J’aurai demandé ce qu’il s’était passé et où se trouvaient mes lunettes. Je ne me souvenais déjà plus de mon acte terrible. Les pompiers sont arrivés. J’étais toujours consciente mais en urgence absolue. Je leur aurai raconté ma vie. Si peu intéressante qu’elle soit, ils ont tout fait pour je reste éveillée. Le pourquoi du comment, nous ne le saurons certainement jamais. J’étais en détresse morale depuis des années. Je ressassais le passé. Je ne me contentais de rien, une éternelle insatisfaite. Je trouvais à la vie tous les défauts possibles. Je ne vivais pas, je survivais.

Histoire d'une autobiographie
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article