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A tire-d'aile

Blog littéraire

Le vagabond des marécages- Prologue- Tome 1

Le vagabond des marécages- Prologue- Tome 1

Voici le début de mon premier roman que j'ai terminé. Je suis sur sa réécriture. Tome 1 d'une trilogie.

 

Le vagabond des marécages

 

Prologue-

 

« Les lumières blanches m’éblouissent. Le bruit assourdissant autour de moi est imperceptible. Tout s’agite. Tout se bouscule. Je suis inerte sur le sol. Le béton me transperce la peau. Je ne peux agir. Mes paupières restent éternellement fermées. Je perçois mon incapacité à me défendre. Je ne me sens plus vivant, pourtant je ne perçois pas la mort. Je n’ai aucun sentiment. Mais la sérénité n’est pas au rendez-vous. Je suis une coquille sans vie. Cette réflexion m’amène seulement à me poser une question. Si je ne suis ni mort, ni vivant, qu’est-ce qui me définit à l’instant T ? Comment me voient-ils tous ces gens qui s’affairent autour de moi ? Que cherchent-ils à prouver ? Seuls, eux, pourront définir si je dois les laisser là sur ce béton humide et tranchant à la fois. Nous sommes si peu de choses en fin de compte. Ces mots sont usuels. Ils sont juste habituels. Inconsciemment, je suis conscient de mon état végétatif. Ce qui est totalement contradictoire. Comme la vie elle-même. Mes réflexions me réconfortent et me confortent dans l’idée que rien ne peut changer ce qui vient de se passer. Je roulais à moto. Je respectais les limitations de vitesse. Je ne sais plus où je me rendais. Je ne sais plus pourquoi j’ai pris ma moto au lieu de mon véhicule malgré cette pluie battante. Je me suis arrêté à un feu rouge. J’ai attendu puis je me suis engagé dans ce rond-point. Puis, plus rien. Je suis allongé, seul en un sens, baignant dans mon propre sang. Je ne peux pas dire que je me rappelle grand-chose puisque je ne me souviens de rien pour ainsi dire. Si je fouille dans ma mémoire, à part ma moto, le feu rouge et ce rond-point, je ne sais même plus où je me rendais à cette heure si tardive. La pluie battante et la nuit tombante sont les seules choses qui définissent cet accident. Le flou s’installe. J’imagine que ce sentiment concerne aussi, à l’heure actuelle, les personnes présentes ici. A quoi bon ne pas me laisser aux mains de la mort. Cet entre-deux est palpable. »

 

[Six mois plus tard]

 

_ « Quelqu’un s’est-il manifesté ?

_ Non, personne, Docteur Merry. En six mois, notre enquête est au point mort. Qu’en est-il de son état ?

_ Son coma est plutôt inquiétant. Le « débrancher » serait le mieux. Nous ne pouvons plus rien pour lui. Il n’est pas en mesure de nous donner son accord mais vous oui. Sans votre accord, nous sommes dans l’obligation de le maintenir en vie.

_ Non. Je n’ai aucun lien de parenté avec ce monsieur. Nous n’avons même pas de carte d’identité. Aucun portrait-robot divulgué n’a donné quelque chose. Nous n’avons aucune piste. Le seul espoir est qu’il se réveille.

_ Mais, Inspecteur, jugez-vous utile de continuer votre enquête justement ? Admettons qu’il sorte du coma, je ne suis même pas sûre que vous en tireriez des réponses.

_ Écoutez-moi bien ! Je n’étais pas en service ce jour-là. Je suis le premier qui soit arrivé sur les lieux alors, croyez-le ou non, je ne crois pas aux coïncidences. Ce mystère, ou appelez cela comme vous le voulez, me hante jours et nuits. Je dois trouver ce qui est arrivé à cet homme et qui est cet homme.

_ Très bien, Inspecteur mais un coma si long entraîne des séquelles. Ne serait-il pas mieux de le laisser quitter cette vie sans plus de souffrances qu’il n’ait déjà endurées ? Je ne veux pas vous offenser mais la vie continue avec son lot de désolation. Je suppose que d’autres de vos affaires en cours sont bien plus importantes que celle-ci.

_ Écoutez, il n’est pas question d’honneur. Je suis juste humain. Cet homme a le droit à une justice. Je sais que ce n’est pas en vain. Il n’était pas saoul, n’avait consommé aucune drogue. Sa vitesse n’est pas mise en cause.

_ Je ne peux vous contredire là-dessus. Je doute juste de votre objectivité. Vous en faites une affaire personnelle. Ce n’est pas sain.

_ S’il vous plait, gardez-le en vie. Suivez mon intuition, j’ai besoin de temps.

_ Je vais faire mon maximum, croyez-moi Inspecteur Blue.

_ Merci Docteur. »

 

L’inspecteur Blue, de son prénom Anatole, a 59 ans. Trapu, il ne se sépare jamais de son imper bleu foncé et de ses mocassins noirs. Il vit dans un petit village depuis vingt ans et a 35 ans de métier. Il n’avait pas de femme, pas d’enfants. Il n’a jamais eu pour autant d’aventures. De nos jours, on le désignerait de « vieux garçon ».  Bientôt à la retraite, il a résolu de nombreuses affaires, du plus petit délit au meurtre avec préméditation. Sa réputation n’est plus à faire. Il y a six mois, il n'a rien vu de cet accident. Pourtant, il est persuadé que cet individu ne gisait pas au sol depuis longtemps. Une enquête de routine fut ouverte. Il en bâclait tout autre affaire qu’on pouvait lui présenter. Il aurait pu passer son chemin. Non. Il se sentait concerné. La raison lui en était pourtant inconnue. Il n’en dormait plus. Il mangeait sur le pouce quand le temps lui en prenait. L’inspecteur Blue s’était métamorphosé. Il était devenu aigri. Il ne supportait plus l’effervescence de ses collègues. Il se terrait chez lui. Il ne se déplaçait à l’extérieur que pour le minimum. Ses proches s’inquiétaient. Il avait perdu ses repères. Sa seule amie était le Docteur Merry. Cette relation dite professionnelle durait depuis dix ans.

 

Le Docteur Merry a 46 ans. Annabelle est médecin depuis 13 ans. Grande, mince, cheveux blonds délavés, elle ne vivait que pour son métier tout comme l’inspecteur Blue. Elle est tout de même mariée à un dentiste reconnu prénommé John. Elle a deux enfants : Simon (9 ans) et Laura (5 ans). Le lien de complicité qu’elle entretient avec Anatole était, au premier abord, purement professionnel. Elle s’en remettait à lui lorsque les soins ne suffisaient plus. Il y a six mois, le cas de cet inconnu était banal de visu. Un accident, des soins à apporter. Fille unique, Annabelle est empathique envers son prochain. Et le changement d’attitude d’Anatole la touche. Elle aimerait l’aider.

 

« Un fantôme. Je n’étais plus qu’un fantôme. Je reposais, là, sur ces draps froids. Le froid me glaçait le sang. Intérieurement, je percevais les sensations de toucher et d’odorat. La vie ne me fut pas enlevée. Mes paupières demeuraient fermées. Mon corps était comme anesthésié. L’audition m’était permise comme une punition. Je ne sais pas où je suis. Aucun son ne sortait de ma bouche. Mes lèvres étaient paralysées. A cet instant, j’aurai préféré mourir. J’étais conscient d’être inconscient, tout comme ce jour où le béton me lacérait les os. Toujours pas de sentiments. Toujours pas d’émotions. Beaucoup trop de sensations. Je sais des choses sur mon état que les personnes qui m’entourent ignorent. Mes repères sont flous. Je ne me souviens pas comment je suis passé du béton chaud à des draps froids. Mes souvenirs sont confus : ma moto, le feu rouge, ce rond-point. Il me reste des perceptions divaguant dans mon esprit. Je ne suis plus qu’un esprit. Mon corps s’en est détaché. Il ne m’appartient plus. Le terme de « fantôme » prend alors tout son sens. »

 

Seul à savoir qu’il était vivant, cet homme était désigné mort par l’équipe médicale du Docteur Merry. Il devenait un mystère intriguant pour l’inspecteur Blue. En refusant la proposition faite par le Docteur Merry, il lui donnait une chance. Il lui donnait du temps. Il avait raison sur une chose. Il ne s’agissait pas d’une coïncidence ! Quand l’un n’était plus qu’un esprit, l’autre n’était plus qu’un corps. L’esprit était dit « mort », le corps était dit « vivant ». Les apparences sont parfois bien trompeuses. Une seule chose est sûre : ce soir-là, ces deux hommes sont devenus liés à jamais. Morts ou vifs.

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